Vivre les effets de l'anxiété
- Nadine Duguay-Lemay
- 30 déc. 2018
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars
Je constate depuis quelques années les efforts de sensibilisation déployés par les professionnels de la santé (bonjour Manon Porelle!) pour démystifier l'anxiété et en parler, car semble-t-il que c'est devenu le mal du siècle (voir 3e point ci-dessous dans les statistiques). Nous pouvons certes remercier les campagnes annuelles Parler pour la cause de Bell qui ont aussi grandement contribué à cette sensibilisation. On se rappelle la publicité télévisée démontrant des enfants dans un corridor parlant d'une collègue de classe prise avec des problèmes de santé mentale et on les voit répéter le même message 3 fois la traitant de "folle" jusqu'à ce que l'une des fillettes dans la publicité dise "elle n'est pas folle, elle est malade. On devrait aller lui dire bonjour"- une des cinq façons d'enrayer la stigmatisation: changer le language utilisé! Et enfin, les gens souffrant de troubles mentaux s'ouvrent un peu plus facilement et partagent leurs expériences qui nous sont souvent relayées via les médias sociaux, donc ça commence à ouvrir le dialogue (tiens, un autre bon sujet d'écriture: comment ouvrir le dialogue...).
J'ai effectué une recherche rapide pour me mettre à jour sur le sujet. Voici quelques statistiques découvertes dans cette recherche non-scientifique:
Chaque semaine, plus de 500,000 Canadiens n'iront pas au travail à cause de la santé mentale selon la Commission de la santé mentale (Trousse d'outils, Parler pour la cause de Bell, https://cause.bell.ca/fr/trousse);
Près d'une personne sur cinq souffrira d'une maladie mentale au cours de sa vie (Institut universitaire en santé mentale de Montréal https://bit.ly/1ezjbZf);
Les troubles mentaux représentent plus de 20% de la charge de morbidité pour notre société, se situant ainsi au 2e rang, comparativement à 23% pour les maladies cardiovasculaires et 11% pour les cancers. (Institut universitaire en santé mentale de Montréal https://bit.ly/1ezjbZf).
Ouf, ces statistiques démontrent que c'est un enjeu de grande importance. En fait, d'une telle importance que j'ai décidé d'enrayer la stigmatisation à mon tour et de vous partager aujourd'hui mon expérience personnelle avec l'anxiété. J'espère dans un autre texte vous partager la perspective d'une personne étant entourée de gens vivant de l'anxiété, car je pense qu'on ne parle pas assez de cela.
Parlons donc de mon expérience personnelle.
On remonte à 2008, donc près de 11 ans passés lorsque j'ai vécu ma séparation avec le père de ma fille. On est en plein mois de janvier, ma fille a 11 mois et mon fils a 7 ans. Je venais de commencer un emploi à temps plein (besoins financiers obligent) après un séjour en entrepreneuriat, quittant ainsi ma routine d'être en semi congé maternité tout en jonglant mon institut de langues. Et pour combler le tout, on vivait à ce moment un hiver dur qui ne cessait de nous amener de la neige. Dieu merci que j'ai eu de bons voisins qui sont venus ouvrir ma cour à plusieurs reprises. Vivant de paie en paie, j'ai encore des souvenirs amers d'avoir vécu le manque de bois de chauffage et d'avoir eu à remplir le réservoir d'huile à coup de 300$ à la fois, tout ce que je pouvais me permettre à cette époque, pour en manquer à nouveau même pas 2 semaines plus tard (Gros soupir) !
Bien sûr, j'avais anticipé l'arrivée de la séparation, car rien n'allait plus depuis longtemps. Or, la vivre dans ces conditions fut assez traumatisant. Les émotions qui ont habité mon corps à ce moment étaient tellement fortes que malgré toutes les larmes que j'ai pu versées, elles se manifestaient en tout temps sous forme de cauchemars ou de moments de dépression profonde. Je me rappelle que l'anxiété a commencé par se manifester avec des sensations de "paralysie", soit de ne plus sentir mes jambes. Cette sensation me faisait tellement paniquer que plus j'essayais de me calmer, plus ça avait l'effet contraire. Les hyperventilations ont débuté et là, c'était l'enfer de tenter de retrouver mon souffle et une respiration qui faisait du sens. Je me suis retrouvée à quelques reprises aux services d'urgence de l'hôpital pensant que j'étais en train de faire une attaque de cœur et persuadée que j'étais en train de mourir. J'ai été prescrite des médicaments "anti-anxiété" et je me rappelle avoir pris une seule de ces pilules au coucher un soir et avoir vécu des sensations tellement bizarres que je me suis effrayée moi-même.
Ça a pris mon médecin de famille de jeunesse, alors que j'étais en congé chez mes parents, qui m'a prescrit des anti-dépresseurs afin que je puisse remettre mes neurotransmetteurs en place. Ça m'a tout pris pour accepter de prendre ces anti-dépresseurs, car je voyais tellement cela comme un échec d'être rendue là. Il y a eu d'autres facteurs qui ont contribué à ce sentiment et que je vous partagerai peut-être dans une autre publication, mais disons que je vivais une situation qui amplifiait le tout.
Comment m'en suis-je sortie? Et bien les anti-dépresseurs ont fait partie de ma vie pendant quelques mois et m'ont effectivement aidé à apaiser ce bruit dans ma tête et de pouvoir retrouver mon sommeil. (Quand on ne dort pas, on ne récupère pas). Petit à petit, j'ai trouvé une bonne psychologue (Krista- merci!) qui a pu m'outiller et m'aider à me refaire une épine dorsale, car j'étais complètement démolie émotionnellement parlant! Malgré tout, l'anxiété continuait à refaire son apparition dans des moments inusités tout comme dans des moments de stress. C'était de façon ponctuelle, qui était déjà une amélioration, mais le fameux sentiment de jambes engourdies et de paralysie se présentaient à l'occasion et l'hyperventilation n'était jamais très loin... je devais sortir dehors et souffler dans un sac ou marcher rapidement pour reprendre une respiration normale. C'est en 2015 que j'ai vécu une grande transformation. J'ai consulté un psychologue (Merci Jean-Luc Williams) au sujet de mon anxiété et il m'en a parlé dans des termes tellement simples que j'ai pu enfin vraiment comprendre à un niveau intellectuel, émotionnel et spirituel ce qui se passait. Voici en gros comment moi je l'ai compris: "L'anxiété est une réaction chimique qui se produit à l'intérieur de notre corps et qui est apprise devant la perception d'un danger. L'être humain fonctionne ainsi depuis des millénaires alors qu'il a appris le mode "fight or flight" en présence de danger, comme lorsqu'il allait à la chasse. 'Homme devant ours, homme choisit de tuer l'ours ou de s'enfuir" (les mots à Jean-Luc en passant, ce qui m'a bien fait rire!). Notre cerveau apprend à stimuler cette réaction chimique (brasser nos neurotransmetteurs) selon le contexte qu'on lui a indiqué qu'il devait la produire. Ayant adapté le mode "freeze" plutôt que fight or flight, j'avais conditionné mon cerveau à stimuler ces réactions si on peut le dire (jambes paralysées par exemple) et lorsque je vivais des situations qui pouvaient susciter des émotions ressemblant à celles qui m'avaient habité en 2008, et bien mon cerveau se mettait en action et tout le reste du corps suivait ses instructions. Je pouvais donc reprogrammer mon cerveau.... Tout comme on programme un ordinateur, nous avons cette capacité incroyable de reprogrammer nos pensées, car celles-ci deviennent en fait nos émotions et nos émotions deviennent nos comportements et notre humeur. Ce fut tout un déclic et j'ai appris à monologuer avec moi-même et apaiser mon cerveau lorsque mes symptômes se manifestaient. Je lui disais tout simplement "Il n'y a pas de danger en ce moment, c'est correct, et ceci n'est pas la réaction que je veux que tu aies". J'ai dû au début me répéter ce message 10 fois, 20 fois, je ne me rappelle plus exactement, mais c'était beaucoup de fois ! Petit à petit, j'ai pu conditionner ce message et voir les effets d'apaisement beaucoup plus rapidement.
Je réalise que la façon dont j'ai pu gérer mon anxiété ne s'applique pas à tout le monde, mais cette méthode a fonctionné pour moi. De plus, ça m'a permis de prendre conscience des monologues intérieurs qui m'habitaient et comment mes pensées exerçaient une grande influence sur mon humeur. Quand je ne me sentais pas bien face à une situation ou un incident, je me parlais à moi-même, à la 3e personne pratiquement (pour objectiver la chose un peu plus) et je réalisais que j'empirais la situation souvent en me rabaissant ou encore en me tapant dessus. (La Nadine qui tape, elle ne va pas par quatre chemins, laissez-moi vous dire!). Nous avons tous des petites voix intérieures qui nous parlent et lorsqu'on les identifie, c'est très révélateur. Ces voix jouent toutes un rôle important, même celles qui semblent nous faire du mal parfois, car dans le fond, elles ne font que jouer un rôle protecteur. Bref, ça c'est un sujet passionnant pour un autre billet de blogue (avec la collaboration de ma coach Isabelle, peut-être?).
Si vous vivez de l'anxiété, l'important est de ne pas souffrir en silence et d'aller chercher de l'aide. J'indique ici-bas quelques ressources trouvées dans ma recherche non-scientifique de tantôt pouvant vous aider (merci à l'avance de me partager d'autres sources ou outils):
La trousse Bell Cause pour la cause: https://cause.bell.ca/fr/trousse
Boîte à outils, Mouvement santé mentale Québec: https://bit.ly/2VjVjmH;
Toutes les ressources en santé mentale au Nouveau-Brunswick, eSantéMentale.ca: https://bit.ly/2QUWt9q;
Ressources, outils et trousses sur la santé mentale positive chez les jeunes, Le Mouvement du Mieux-être du NB: https://bit.ly/2VfUKu9
La psychologue Manon Porelle publie beaucoup de capsules vidéo sur le sujet: https://bit.ly/2AobmXI
Le conférencier Martin Latulippe parle ouvertement du sujet, voici une de ses chroniques: https://bit.ly/2CGxwWP

Merci de contribuer à déstigmatiser l'anxiété !