La maison organique qui fait rêver aux possibilités
- Nadine Duguay-Lemay
- 27 nov. 2023
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars
Je suis allée visiter hier après-midi en compagnie de mon père la maison organique (avec tous les conforts modernes) à Jacques Giguère et sa conjointe Monique Niles située dans la belle vallée de Memramcook. Cette maison qu'ils appellent leur "maison organique d'inspiration earthship" ou maison éco-responsable m'a tellement inspirée que je me retrouve aujourd'hui à vous en parler ici sur mon blogue. Je pense que ce qui m'a interpellé le plus, au delà de l'empreinte carbonne réduite, de l'auto-suffisance et de la beauté dans cette simplicité naturelle, ce fut les possibilités qu'une maison écologique durable représente pour notre société en termes de développement durable, économie circulaire, création d'emplois, éducation et transfert des connaisssances, et j'en passe, sans parler de l'effet bénéfique sur l'environnement, bien entendu .
L'expertise cherchée au Nouveau-Mexique
Ce qu'ont créé Jacques et Monique a demandé tout un engagement. Jacques me racontait qu'ils ont passé toutes leurs fins de semaine et leurs vacances pendant 1 an et demie à la construction de leur maison. Ils sont même allés passer un mois au Nouveau-Mexique pour aller travailler à la construction d'une telle maison pour aller apprendre ces connaissances. Je n'ai pas été surprise lorsque Jacques a mentionné ce détail important puisqu'une recherche rapide sur le web démontre clairement que l'expertise en matière de construction écologique et responsable s'y trouve. Le documentaire "Home" de Apple TV, qui présente les maisons les plus novatrices au monde en parle aussi. D'ailleurs, pour ceux qui cherchent la définition d'une maison organique d'inspiration Earthship, c'est "un type de maison solaire fabriquée à partir de matériaux naturels et recyclés (tels que des pneus, des canettes, des bouteilles). Il existe plusieurs modèles qui peuvent être construits dans n'importe quelle partie du monde, sous n'importe quel climat et fournir de l'électricité, de l'eau potable, un traitement des eaux usées en circuit fermé et une production alimentaire durable". (Earthship Biottecture, 2024). Une maison organique utilise les phénomènes naturelles gratuits à son avantage (la gravité, le solaire, la masse thermique, la convection, par exemple) et s'intègre toujours à son environnement.
Les matériaux et l'énergie
Jacques et Monique ont utilisé 9 panneaux solaires de 380w chacun, ce qui répond à 100% des besoins en électricité de la maison. Ils ne sont donc pas raccordés au réseau d'Énergie NB. Ils ont utilisé des matériaux en fin de vie, notamment des pneus, des cannettes, et des bouteilles pour construire leur maison. On retrouve aussi du béton, du bois et pleins de matériaux réutilisés, tels que les palettes de bois qui transportaient les matériaux qui ont été réutilisées pour fabriquer leurs lits et quelques petits meubles de rangement. La couche de pneus remplis de terre tout autour de la maison crée une barrière thermique incroyable qui réchauffe ou refroidit la maison, selon ses besoins et les saisons. Les panneaux solaires suffisent à alimenter toute l'énergie, mais un poêle à bois ainsi qu'une génératrice sont là en soutien au besoin (la génétatrice est en cas exceptionnel et ça leur est seulement arrivé 1 seule fois en trois ans). Le poêle à bois quant à lui ne demande qu'une corde et demie par année et la consommation de propane est seulement 250 litres par année pour alimenter la cuisinière et l'eau chaude.
La récupération de l'eau de pluie à partir de leur toiture et système de gouttière est aussi très impresionnante. Si j'ai bien écouté la présentation, Monique partageait qu'un seul milimètre de pluie tombé génère 250 ml d'eau. D'ailleurs, ils ont dû fermer le mécanisme pour la cueillette d'eau puisque leurs réservoirs sont déjà bien remplis. Dès qu'on entre dans le garage de leur maison, on ressent la chaleur, à un tel point qu'on a dû enlever nos manteaux. Je peux vous dire qu'il ne fait pas aussi beau et chaud dans mon garage ! Monique qui a la fibre artistique a utilisé de la peinture pour créer des "faux vitraux" qui enjolivent les portes de salles de bain pour créer un peu de privé. Fait intéressant et qui me rappellait la maison où j'habitais au Costa Rica, on peut circuler dans la maison par la serre ou par l'intérieur.
La serre ! Mon coup de coeur
Dès qu'on met les pieds dans le garage, on entrevoit déjà une partie de la serre qui débute. J'avais entendu parler de ce concept d'avoir des arbres fruitiers et des légumes poussant à l'intérieur de la maison par l'entremise d'un documentaire et ensuite d'une recherche un peu plus poussée sur le web (Stewart, j. 2022 et Pardes, A. 2015). En Suède, on retrouve plusieurs maisons écologiques qui intègrent des jardinières à l'intérieur. Dans la maison organique à Jacques et Monique, ils ont laissé suffisamment de place dans le sol tout le long de la paroi faisant face au sud-est pour y semer des plantes et des arbres. Ils ont même planté un bananier et un avocatier qui sont d'une taille assez impressionnante ! J'ai vu des concombres et des courges de taille très appréciables qui poussent dans le sol de leur garage, de belles fleurs qui s'égayaient au soleil, et toutes sortes d'autres légumes, dont des chous frisés géants ! Ces trois jardinières intérieurs complémentent seulement le jardin d’été extérieur. Imaginez allez cueillir vos légumes sans sortir dehors ou tout simplement profiter de la belle énergie et de l'oxygène que crée ces plantes. C'est réellement un petit paradis ! Je vous invite à regarder la gallerie de photos que j'ai prises lors de la visite pour vous régaler les yeux. La lumière naturelle qui règne dans la serre et dans toute la maison à cause des fenêtres surdimensionnées est phénoménale. Ça donne juste le goût de s'allonger avec un bon livre et d'y rester pendant des heures. J'aimerais vous expliquer le système d'irrigation qui a été mis en place pour alimenter les racines de ces belles plantes, mais j'aurais peur de vous induire en erreur donc je laisserai ce soin à Monique et Jacques.
Les possibilités
Arrivons-en maintenant aux possibilités que de construire une telle maison hors réseau représente sur le plan sociétal. Au-delà des économies énergétiques et financières réalisées, ces possibilités demanderont une ouverture d'esprit ainsi que de la vision et un engagement sur le long-terme. Laissez-moi vous peindre le portrait qui me fait rêver depuis hier et qui addresserait certains enjeux sociétals auxquels nous faisons face en ce moment, dont la crise du logement:
Imaginez un quartier "vert", c'est-à-dire, conçu de maisons organiques qui ne sont pas entassées les unes sur les autres et qui laisse place à cultiver un jardin et permettant la mobilité. J'ai beaucoup pensé au concept de la communauté des petites maisons (tiny houses) créée par Marcel Lebrun à Fredericton et j'imaginais un mouvement casi-semblable. Ce que j'apprécie énormément de la maison organique, c'est que Jacques et Monique l'ont créé eux-même avec l'aide de spécialistes ("à chacun son expertise" disait Jacques). Ceci n'allumera peut-être pas beaucoup de gens, mais pensez au transfert des connaissances possibles, soit dans un cours, soit dans un format d'apprenti comme l'ont fait Jacques et Monique en allant passer 1 mois au Nouveau-Mexique. Bref, je verrais bien un mouvement "Maisons organiques NB" qui offrirait ce même genre d'expérience et de transfert de connaissances. Selon ce que je vois sur le site de Earthship Biotecture, c'est même presque de l'écotourisme. Je salue et remercie la générosité dont font preuve Jacques et Monique en offrant des visites ouvertes et en partageant leurs connaissances de la sorte, autout d'un breuvage et d'une collation en plus !
Imaginez si nos contracteurs commençaient à s'intésser davantage à ce genre de maison et dévoppait cette spécialité. Bien que ce genre de fabrication pourrait engendrer un certain bouleversement au sein de l'industrie de construction et de sa chaîne d'approvisionnement, je pense que ce type de construction peut très bien co-exister pour le moment jusqu'à ce que l'expertise se développe et que le créneau éco-responsable et durable soit bien étoffé, et que ce genre de maisons pourrait régler certains enjeux au sein de la chaîne d'approvisionnement justement. On récupère des matériaux en fin de vie, donc on réutilise et on recycle au lieu de les brûler ou les accumuler dans nos dépotoirs.
Imaginez des cours qui s'offriraient pour ce genre de construction (ou sur l'écoresponsabilité en général avec spécilisations possibles) dès l'école secondaire et ensuite au post-secondaire afin de développer les compétences pour créer et soutenir ces nouveaux créneaux. J'ai mentionné l'école secondaire, mais cela pourrait bien commencer encore plus tôt. J'aurais bien aimé apprendre à concevoir et créer une maison avec des cannettes, bouteilles et des pneus. Il me semble que j'aurais aimé ça aider à empaqueter de la terre dans un pneu lorsque j'étais enfant (fait intéressant appris de Jacques: un pneu peut empaqueter jusqu'à 3 brouettes de terre). Ce genre de connaissances se jumèlerait très bien aux connaissances que certaines écoles, telles que l'école Abbey-Landry de Memramcook inculquent aux jeunes en matière de jardinage et d'agriculture. J'ouvre une paranthèse que ce serait génial de voir notre industrie agricole se raviver. Je sais qu'il y a bien des efforts et un bel élan qui est constaté vers la cultivation et la consommation des produits locaux, mais on pourrait se doter d'une excellence en matière d'agriculture et tout ce qui y est connexe.
Imaginez des communautés éco-responsables qui peuvent s'auto-suffire. Je ne peux m'empêcher de penser à la communauté des personnes sans-abri et ce qu'un tel concept pourrait représenter. Je pense que nous pourrions apprendre beaucoup de la médecine autochtone nord-américaine ou aussi appellée la médecine corps-esprit qui croit que la guérison est un processus holisitique et qui détient comme principe que "les aspects spirituels, émotionnels, mentaux et physiques de la vie sont interreliés" (CATIE). C'est pourquoi on met beaucoup l'emphase sur la connexion avec la nature et sa communauté et le partage par l'entremise de cercles de guérison. Si on décidait de réellement aider les gens qui souffrent d'enjeux divers, que ce soit à cause de la pauvreté, de problèmes de santé (mentale ou physique), de problèmes d'addiction, etc., un tel concept pourrait aider les gens au long-terme en leur transférant des connaissances, en prenant soin d'eux et en inculquant un sentiment d'appartenance, à la fois à un foyer et à une communauté.
Imaginez un programme lancé par nos compagnies énergétiques pour encourager l'achat de sources d'énergie durables, tels que des panneaux solaires. Je me souviens que pendant la pandémie à l'été 2020, je cherchais à acheter une voiture électrique afin de diminuer ma consommation d'essence. J'avais été sidérée de constater que notre province n'offrait pas de programmes à rabais pour installer la pile et le système pour alimenter la voiture à domicile. Ces programmes à rabais n'existaient que dans quelques provinces canadiennes. Je me souviens également que les concessionnaires tentaient de me dissuader d'acheter une voiture électrique à l'époque (il n'y a que 3 ans de cela) sous prétexte qu'il n'y avait pas assez d'endroits pour revitailler la pile de la voiture dans la province. Je me suis finalement tournée vers l'achat d'une voiture hybride, mais cette expérience en avait dit long sur l'absence des connaissances et d'incitatifs pour me permettre un tel achat. J'avais raconté cette expérience au PDG d'Énergie NB de l'époque qui m'avait renseigné que nous avions pourtant amplement de points de service permettant d'alimenter les piles des voitures électriques dans la province. Les concessionnaires de voiture ne faisaient certes pas la promotion de ce fait en 2020.
Les idées que j'avance n'enlèvent rien aux solutions qui existent en ce moment et je salue les nombreux organismes à but non lucratif, municipalités et citoyens qui offrent des services de première ligne aux populations vulnérables. Je ne fais que rêver aux possibilités à un plus haut niveau et je suis axée vers l'avenir. En innovation, on parle de l'importance de réfléchir à comment nous allons concurrencer dans le futur. Il faut aller au-delà de l'innovation linéraire et penser à notre modèle d'affaires et à sa pertinence dans le marché. Il est important d'être attentifs aux signaux faibles (ah mes signaux faibles, je sais j'en parle souvent mais avec raison), ces signes précurseurs de nouvelles tendances dans le marché qui annoncent des changements ou perturbations importantes. À mon avis, nous avons eu de nombreux signaux faibles et d'autres très criants au cours des dernières années qui mériteraient d'être écoutés et sérieusement étudiés. J'espère que nous (collectif) développerons des solutions durables afin de contrer les effets du changement climatique et adresser les défis actuels de notre société. J'espère surtout que nous aurons la vision, le leadership, le courage, l'engagement et la patience pour mener à bien ces solutions.
Merci encore Jacques et Monique pour votre temps et générosité lors de votre visite porte-ouvertes !
Bibliographie:
12Neighbours (la communauté des petites maisons à Fredericton)
Stewart, J (2022). Live Off Grid Surrounded by Sweden's Nature in the A-Frame Villa (mymodernmet.com).
Je capote en lisant ça. J'aimerais tellement visiter une telle maison ! Tes rêves sont inspirants Nadine. J'y crois ! Merci de nous partager ton expérience et tes idées !