Le plus beau cadeau de Noël: la chirurgie qui va transformer ma vie.
- Nadine Duguay-Lemay
- 23 déc. 2021
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars
NDA : Cet article est dédié à Dr Antonios El-Helou, neurochirurgien extraordinaire et à Simon Bogue de St Jude Medical. Vous avez ma gratitude éternelle.
J'ai reçu hier le plus beau cadeau de Noël qui puisse exister, soit une chirurgie qui traite ma névralgie occipitale et qui me permettra dorénavant de vivre ma vie sans douleur ou du moins de façon bien plus tolérable. J'écris ces mots avec grande émotion, car c'est pratiquement inconcevable dans mon esprit que j'entame un nouveau chapitre de ma vie après 34 ans de souffrance, marqué par cette douleur que j'ai appris à apprivoiser et surtout à camoufler pendant la majeure partie de ma vie.
Afin d'en savoir plus sur la névralgie occipitale, je vous invite à lire l'article de blogue que j'avais écrit sur cette condition il y a deux ans. C'est essentiellement une irritation ou compression du grand nerf occipital situé à l’arrière du crâne qui provoque de vives douleurs à la tête, soit des sensations de décharges électriques, ou d'aiguilles chaudes s'enfonçant dans la tête. J'ai commencé à ressentir ces fameuses décharges électriques alors que j'avais 12 ans et que je pratiquais le patinage artistique. Je ne me souviens pas que j'aie subi un traumatisme crânien qui aurait expliqué l'apparition de la névralgie (souvent cité comme l'une des causes de la condition), mais c'est très possible que j'aie eu une mauvaise chute sur la glace à un moment donné. Après tout, c'était quand même assez fréquent de prendre des "bonnes débarques" (comme on le disait par chez nous) en tentant de faire des rotations dans les airs et d'atterrir sur un patin. Comme cette douleur aigüe ne se manifestait que de façon ponctuelle, cela a entraîné une intériorisation de la condition (je n'en parlais plus trop, découragée de me faire dire que c'était dans ma tête). Cette intériorisation a été amplifiée à la suite de nombreuses consultations que j'ai eues avec des médecins et spécialistes au fil des années. Je comprends que ça ne fait que 15 ans environ que la condition est médicalement acceptée, expliquant le fait qu'on n'en parlait pas dans mon adolescence ou dans ma vie de jeune adulte.
Ce n'est que depuis 2019 que je sais que ce qui m'afflige se nomme la névralgie occipitale, grâce à mon neurologue, Dr Mario Alvarez, et au neurochirurgien Dr Dhany Charest qui a corroboré. Après avoir tenté quelques traitements, tels que la prescription de la carbamazépine et une injection de corticostéroïde afin de bloquer le nerf, les résultats ne sont pas assez percutants. Voyez-vous, en avril 2019, j'avais eu un sérieux épisode (que je raconte dans le premier article de blogue) qui m'a laissé avec la condition présente en permanence plutôt que de façon ponctuelle. La douleur faisait maintenant partie de mon quotidien et avait eu un grand impact sur ma qualité de vie, que je détaillerai un peu plus loin. C'est alors que le Dr Charest me recommande de consulter son collègue, Dr El-Helou qui est, me dit-il, plus avant-gardiste en ce qui touche les traitements de la douleur chronique. J'accepte et c'est comme cela que quelques mois plus tard, j'ai eu ma première consultation avec la personne qui allait changer ma vie de façon positive à jamais.
La chirurgie : l'implant d'un neurostimulateur
Après avoir constaté que la médication et d'autres traitements ne produisaient pas un résultat définitif, soit l'éradication de la douleur, j'ai accepté au printemps 2020 d'entreprendre la voie de la chirurgie, soit la neurostimulation occipitale (neuromodulation). C'est une procédure qui consiste à stimuler le nerf occipital avec des impulsions électriques envoyées par le neurostimulateur (une ou des électrodes implantées sous la peau). La sensation de fourmillement ressentie par la stimulation vise à modifier la sensation douloureuse en "empêchant le signal de la douleur de se rendre jusqu'au cerveau ou de l'embrouiller afin de tromper la sensation de douleur ressentie" (CHU de Québec Université Laval). Si vous n'avez jamais entendu parler de ce type d'intervention chirurgicale, je vous rassure: Santé Canada n'en a fait que l'approbation en 2018, alors qu'elle est pratiquée en Europe depuis 2011. Dr El-Helou en fait est l'un.e des quelques neurochirurgien.ne.s au pays qui fait ce genre d'intervention et qui entraîne d'autres neurochirurgien.ne.s à implanter des neurostimulateurs pour traiter la douleur chronique neuropathique. On peut donc dire que j'étais littéralement dans les meilleures mains qui soient pour procéder avec l'intervention. Par contre, avec la pandémie occasionnée par la COVID-19, il aura fallu attendre 18 mois avant de pouvoir avoir la chirurgie.
La procédure se fait en deux étapes. La première consiste en une période d'essai qui implique que le neurostimulateur soit implanté sous la peau sous anesthésie générale alors que le fil et la pile du neurostimulateur demeurent à l'extérieur du corps. La période d'essai permet d'expérimenter le neurostimulateur et de voir si on peut dormir, bien fonctionner et surtout noter une différence au niveau de la douleur ressentie. Il est important de souligner que le neurostimulateur peut être contrôlé par une application installée sur un téléphone intelligent, donc on peut réduire ou augmenter l'intensité de la stimulation à notre gré. Dans mon cas, j'ai pu constater un énorme changement après avoir reçu le premier neurostimulateur le 22 novembre dernier. Une fois que je me suis adaptée à sa présence, j'ai vite constaté que je ne ressentais plus de douleur. Et si j'avais besoin de preuves additionnelles, je confirme qu'une fois que le neurostimulateur d'essai a été retiré le 8 décembre dernier, la douleur est vite revenue. Comme relayé au Dr El-Helou, c'était réellement le jour et la nuit tellement c'était marquant comme différence. Disons que j'avais bien hâte de recevoir "mon" neurostimulateur. La deuxième procédure réplique la première, mais cette fois, on cache le fil et la pile sous la peau, ce qui fait en sorte que cela prend plus de temps que la première étape. Je plaisante que je ressemble maintenant à la femme bionique avec une pile cachée sous la peau dans mon dos. En fait, j'aurai besoin de présenter une carte à cet effet de Abbott lorsque je me déplacerai dans les aéroports, dans le but de ne pas faire peur aux gardiens de sécurité lorsque je ferai ébruiter leurs détecteurs de métal.
Alors que j'échangeais hier avec les infirmières qui prenaient soin de moi avant et après la chirurgie, je me sentais devenir très émotive lorsque je leur expliquais la procédure et la douleur chronique que je vivais depuis si longtemps. Je verse en fait des larmes en même temps que j'écris cet article. C'est extraordinaire de réfléchir à cette douleur et les différentes méthodes d'adaptation que j'ai appliquées pour gérer celle-ci. C'est encore plus hallucinant de penser aux diverses façons que cette douleur a eu un impact sur ma qualité de vie. Mentionnons les suivantes:
L'angoisse publique que j'ai développée, par peur de crier ou gémir ma douleur pendant que j'animais une conférence ou que je parlais dans une fonction quelconque (profession oblige). La préparation mentale ainsi que la gestion de la douleur que cela me demandait est tout à fait inconcevable à mes yeux aujourd'hui. J'avais besoin par exemple de détecter les sorties et les salles de bain en arrivant sur les lieux afin de pouvoir me réfugier dans un endroit plus privé si je ressentais de la douleur ou de savoir comment sortir de l'endroit rapidement. J'ai dû annuler des sorties publiques lorsque je sentais que la douleur serait trop présente. Enfin, j'avais aussi besoin que mon conjoint m'accompagne comme couverture de sécurité additionnelle, car ça me rassurait d'avoir une personne près de moi qui me connaissait bien et qui avait appris à reconnaître, sans avoir à lui dire, que ça n'allait pas.
L'abandon du CrossFit : après avoir vécu un épisode pendant que je m'entraînais en présence d'autres personnes, j'ai arrêté ce sport, même si j'adorais le pratiquer. J'avais peur de refaire ce qui avait potentiellement déclenché la douleur et j'avais aussi peur de vivre la douleur publiquement. C'est que dans le confort de ma maison ou en présence de ma famille, je me retiens moins et ils m'ont vu parfois crier en douleur ou même pleurer. Ça m'est arrivé une fois à la coiffeuse de vivre un épisode et même si je n'ai pas crié, j'ai pleuré en silence pendant qu'elle me coiffait. Même si je tentais de me rassurer pendant cet incident, je me sentais tout de même humiliée. Ce qui est difficile à vivre avec la douleur chronique est qu'on a l'impression que les autres peuvent voir ou détecter ce qu'on ressent, même si cela se produit à l'intérieur de nous.
L'insomnie: Comme elle est plaisante la douleur qui nous réveille pendant la nuit et qui fait en sorte qu'on a de la difficulté à se rendormir ou qu'on a peur de revivre la douleur une fois endormie. Pour une raison quelconque, j'ai trouvé cela plus difficile d'avoir de la douleur pendant la nuit que pendant le jour. J'ai besoin de mon sommeil et lorsque celui-ci est interrompu, disons que ça n'aide pas à composer avec la douleur pendant le jour.
Travailler en douleur: je n'ai jamais trouvé de remède miracle pour atténuer la douleur et ma méthode d'adaptation a donc été celle de continuer comme si de rien n'était. Cette méthode a faussé mon entourage sur la sévérité de ma condition, car ils me voyaient travailler et continuer à vaquer à mes occupations dans la maison comme si tout allait bien. Et pourtant, j'aurais pu vivre depuis le matin une douleur de 5/6 sur 10 et qui s'était amplifiée à du 7/8 sur 10 rendu en soirée. Une fois arrivée à ce seuil de douleur, j'étais disons, moins aimable et j'avais plus de difficulté à continuer mes activités. J'ai vécu énormément de frustration avec ma famille au fait qu'ils ne comprenaient pas cela, mais comment auraient-ils pu ? En cours de route, mon conjoint a pris l'habitude de me demander si je vivais de la douleur et à quel niveau. Cette période d'adaptation à lui communiquer cette douleur lui a bien servi, car il n'a plus besoin que je la verbalise. Il a appris à "lire" en quelque sorte mes expressions et à reconnaître mes méthodes de survie. Il ne s'est plus laissé berné par mes ardeurs au travail, sachant les reconnaître comme étant des façons de tolérer ce que je vivais.
La douleur qui entraîne d'autres formes de douleurs: malheureusement, il est commun que la névralgie entraîne l'apparition de migraines, et d'autres types de céphalées ou symptômes. Parfois, je ressentais une sensibilité extrême en arrière de la tête après avoir eu une grosse décharge électrique, comme si on m'avait assommé avec un bâton de baseball. Ces autres formes de douleur ont été très déstabilisantes pour le moins qu'on puisse dire et cela illustre à quel point la condition peut avoir un impact sur notre vie.
L'isolation sociale: lorsqu'on vit de la douleur chronique et qu'on est le genre de personne ouverte à essayer toutes sortes de traitements, alternatifs ou traditionnels, on devient vite découragés par les commentaires désobligeants que peuvent émettre certaines personnes dans notre entourage. Il y a des personnes qui ont amplifié l'intériorisation de la névralgie avec leurs commentaires... "si seulement je faisais ceci ou cela ou essayais x ou y, tout irait mieux". Comme je me suis fait dire pendant longtemps que le problème était dans ma tête (et oui, le problème était "litérallement" dans ma tête, pas juste figurativement), j'ai essayé toutes sortes de choses pour traiter la névralgie, comme changer mon alimentation à quelques reprises, prendre des vitamines et des suppléments, faire du coaching, suivre une thérapie, recevoir des traitements de reiki et de trame thérapeutique, de l'acupuncture, et j'en passe ! Au fil du temps, je me suis retirée et isolée de plus en plus. Je ne sortais plus trop et je me suis détachée de plusieurs personnes, me sentant incomprise.
C'est donc un nouveau chapitre de vie qui s'amorce pour moi avec cette chirurgie. Il n'y a pas de mots suffisamment percutants qui peuvent exprimer la profonde reconnaissance que je ressens à l'égard de toutes les personnes qui se sont présentées sur mon chemin ces dernières années pour m'amener à ce point, particulièrement Dr Alvarez, Dr Charest et surtout, Dr El-Helou. Non seulement ce dernier est extrêmement compétent, mais c'est une personne bienveillante, humaine et à l'écoute des gens. Nous sommes tellement chanceux d'avoir un neurochirurgien de ce calibre au Nouveau-Brunswick ! En fait, je ne pourrai jamais assez le remercier de m'avoir fait ce cadeau qui va complètement changer ma qualité de vie. J'espère que ce texte pourra aider une autre personne qui souffre de névralgie occipitale et qui n'est peut-être pas au courant qu'un tel traitement existe. Ça me fera plaisir de leur partager mon expérience. Joyeux Noël à vous tous et toutes. Le mien en tout cas est déjà joyeux et imprégné d'espoir.

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