La solitude du dirigeant exprimée à ma façon
- Nadine Duguay-Lemay
- 13 mars 2019
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars
Je souffre ces derniers temps d'un syndrome particulier qui m'a déjà affligé pendant ma carrière, mais jamais de façon aussi prononcée. Connu également comme syndrome de la "tour d'ivoire" du dirigeant, c'est le fameux syndrome de se sentir seul comme leader. Cette solitude peut être très présente lors d'une grande transformation organisationnelle (que je vis) ou face à la prise de décisions stratégiques à prendre. Elle se manifeste aussi lorsqu'il y a l'absence dans son entourage d'un groupe d'appui composés de leaders étant confrontés à des réalités semblables ou de gens qui peuvent au moins exprimer de l'empathie. À titre de femme exerçant un rôle de PDG, je ne vis pas mal cette solitude, bien qu'elle soit plus présente ces derniers temps. En fait, je vous dirais que je la juge plutôt nécessaire et très saine.
Selon Geneviève Desautels, consultante, coach certifiée, et présidente de Amplio Stratégies et Univers interactif, il est important d'apprivoiser la solitude, car elle est un must pour les leaders. En fait, elle dit que la motivation d'un leader doit être intrinsèque et cela, à mon avis, passe par bien se connaître. Si on occupe des postes cadre pour plaire aux autres, aussi bien dire qu'on est pratiquement voués à l'échec. C'est une tâche impossible de plaire à tous et pourtant, j'ai déjà souffert de ce syndrome aussi (en toute vérité, je dois combattre constamment ce syndrome, car c'est un comportement appris depuis que je suis toute petite fille ). Donc oui, il est important de renforcer sa confiance en soi comme le recommande Geneviève dans son article, mais bien connaître ses valeurs ainsi que notre raison d'être nous aident à comprendre ce qui nous fait carburer ou nous fait trembler. (note: "Find your why" de Simon Sinek raisonne haut et fort dans ma tête comme j'écris ceci).
Avant que j'aborde les bienfaits que je retrouve par la solitude, entendons-nous sur le fait que je parle ici des moments de solitude que je m'accorde plutôt que du sentiment d'isolement que je peux de temps à autre éprouver. Donc voici: la solitude me permet de prendre du recul face à des situations complexes et de la voir sous d'autres angles et perspectives. Elle me permet de comprendre les aspects qui ont été me chercher personnellement dans une situation et d'observer mes comportements, ce qui procure l'avantage de pouvoir corriger le tir par la suite. Je me suis vue maintes fois revenir vers des gens, afin de leur préciser les raisons de mes réactions et de m'excuser lorsque je juge avoir réagi plutôt que d'avoir agi. On peut donc dire que pour moi, la solitude agit comme un moment de méditation et d'introspection profonde qui m'aide à refaire le plein d'énergie.
Il y a aussi des raisons plus "cachées" qui expliquent mon appréciation de la solitude: Je peux être dans mes pyjamas ou dans mes jogging et avoir une toque sur la tête plutôt que d'être bien vêtue, coiffée et maquillée (ah le soulagement!). Je m'adonne aux activités que j'aime, telle l'écriture et la lecture et je m'évade. Puisque j'ai mentionné l'écriture, je me permets d'ouvrir une parenthèse pour vous raconter que récemment, j'ai vu un ancien collègue de travail qui me disait comme ça "wow, tu as l'air à bien aller avec la nouvelle job, on te vois sur les médias sociaux et en plus tu t'es mise à blogger- je ne sais pas où tu trouves le temps pour tout faire ça". Alors voilà la vérité: l'écriture est un exutoire au même titre que serait l'activité physique ou un loisir pour une autre personne. Ce n'est donc pas un travail que d'écrire le blogue. Certes, c'est un défi de pouvoir publier un article à chaque dimanche, mais à date, je m'en tiens à cette discipline (tout en me pardonnant si je saute cet échéancier de quelques jours), car elle me sert de fondation pour me diriger vers l'écriture d'un livre un de ces jours prochain (un grand rêve d'enfance). Toutefois, pour arriver à écrire, je dois m'enfermer dans ma bulle et retrouver cette solitude.
À titre de mère professionnelle, j'apprécie avoir des moments à moi pour souffler un peu. C'est déjà très difficile de concilier la vie professionnelle et la vie personnelle sans trop ressentir de culpabilité, et c'est d'autant plus difficile de dire à ses enfants qu'on a besoin de temps pour soi. En fait, ma solitude du dirigeant, c'est là que je la vis surtout. C'est lorsque j'ai la tête pleine et que j'ai besoin de temps seule pour faire le vide, mais que je dois aussi être présente pour ma famille. Ces moments ne s'intègrent ou ne s'interposent pas toujours facilement comme vous le savez sûrement déjà. Je suis loin de désespérer par contre, car avec le retour d'une température plus clémente et munie de l'impression que nous avons dépassé le pire de l'hiver, je vois que je pourrai ou nous (parfois mon mari ou ma fille m'accompagne) pourrons reprendre nos marches avant le souper. Ces marches étaient très efficaces pour couper avec le travail, apprécier la nature et nous carburer d'énergie pour la soirée.
La solitude du dirigeant comme émotion ressentie est attribuée à multiples raisons telles que mentionnées dans mon introduction. Je viens de partager que je la ressens dans des moments qui me demandent de concilier travail et vie personnelle (quand on a un enfant malade à la maison par exemple et qu'on essaie de faire les deux). Je la ressens aussi quand je fais face à des situations dont je témoigne de comportements ou d'actions qui ne sont pas ancrées dans des valeurs partagées. Cela est particulièrement difficile à naviguer, car on ne peut pas imposer bien entendu ses valeurs à une autre personne: on ne peut que les vivre au quotidien pour soi et par conséquent, sensibiliser son entourage à ce qu'elles sont et pourquoi elles sont importantes pour nous. Si je regarde les moments où j'ai vécu un sentiment d'isolement, c'est bien lorsque je n'arrivais pas à comprendre le comportement d'une personne ou les valeurs qui l'habitait. Et enfin, il y a un certain sentiment d'isolement ou de solitude qui se vit lorsque comme dirigeant, on vit dans une petite communauté où on ne parle pas de 6 dégrées de séparation entre les gens mais bien d'un seul ou au plus, de deux. (j'écris ceci avec un sourire car je ne pense pas que j'exagère). C'est le comble de l'ironie de se sentir seul quand on est pourtant entourés d'autant de gens qu'on connait, mais c'est pourtant bien possible car il est question ici de nos liens de confiance, de connectivité et de valeurs communes.
Je conclus en soulignant que le soutien que nous donne nos proches est d'une importance capitale pour atténuer le syndrome de solitude du dirigeant. Ce soutien, qui se traduit au quotidien par milles et un gestes ou encore par un encouragement moral, vaut plus que vous ne le pensez. Pour ce soutien, je vous applaudis et vous dis MERCI.

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